Monnaie, destruction et création en 1797 : les mandats territoriaux

Texte de loi N° 434. = 28 ventose an 4 (18 mars 1796)
Loi portant création de deux milliards quatre cent millions de mandats Territoriaux1. ( II, Bull, xxxrv, 252; B., LXIII, 163.).
Le conseil...., considérant que, dans toutes les parties de la république, l'industrie et le commerce sont entravés par le défaut de confiance dans le principal signe d'échange ; que le discrédit des assignats a rompu tout rapport entre les obligations particulières et les moyens de se libérer ; qu'il en est résulté, dans l'acquit des contributions, dans le paiement des loyers et fermages, et dans toutes les transactions, nn embarras nuisible à tous les intérêts ; — Considérant que la dépréciation des assignats prend sa source dans leur trop grande abondance, dans la disproportion entre la quantité en émission et la valeur du gage, dans les exagérations de la malveillance et les manœuvres de l'agiotage ; qu'il faut y porter un prompt remède, et prendre toutes les précautions propres à garantir pour l'avenir de pareils inconvéniens...—Prend la résolution suivante :
Art. 1er. Il sera créé pour deux milliards quatre cents millions de mandats territoriaux.
2. Ces mandats auront cours de monnaie entre toutes personnes dans toute l'étendue de la république , et seront reçus comme espèces dans toutes les caisses publiques et particulières.
3. La forme de ces mandats, et les précautions pour constater que la fabrication n'excédera pas les deux milliards quatre cents millions, seront réglées de la manière la plus convenable et la plus sûre : il sera fait dans deux jours un rapport à ce sujet..;
4. Les mandats emporteront avec eux hypothèque, privilège et délégation spéciale sur tous les domaines nationaux situés dans toute l'étendue de la république ; de manière que tout porteur de ces mandats pourra se présenter à l'administration de département de la situation du domaine national qu'il voudra acquérir, et le contrat de vente lui en sera passé sur le prix de l'estimation qui en sera faite, à la condition d'en payer le prix en mandats , moitié dans la première décade, et l'autre moitié dans les trois mois. —Le contrat sera passé dans la décade, au plus tard, du jour de la clôture de l'estimation2.
5. La valeur des biens à vendre sera fixée sur le pied de 1790, et calculée à raison de vingt-deux fois leur revenu net, pour les terres labourables, prés, bois, vignes et dépendances, d'après les baux existant en 1790. — A défaut de baux, la valeur de ces biens sera lixée d'après le montant de la contribution foncière de 1793, en prenant, pour revenu net, quatre foisle montant de cette contribution, et multipliant cette somme par vingt-deux.
6. Les maisons, usines, les cours et jardins en dépendant, seront également évalués sur le pied de leur valeur en 1790, calculée à raison de dix-huit fois leur revenu net, d'après les baux existant en 1790.—A défaut de baux, l'estimation sera faite par experts, l'un nommé par l'administration de département, l'autre par le soumissionnaire; et en cas de partage, le tiers sera nommé par l'administration.—En aucun cas, l'estimation faite par les experts ne pourra être inférieure à celles qui auraient été faites antérieurement.
7. Ne sont pas compris dans les domaines nationaux hypothéqués aux mandats, les bois et forêts au dessus de trois cents arpens, et les maisons et édilices destinés par la loi à un service public.
8. Sur les deux milliards quatre cents millions de mandats, il sera employé la quantité nécessaire pour retirer, à raison de trente capitaux pour un , tous les assignats qui restent en circulation. Sur le surplus, il sera remis six cents millions a la trésorerie nationale, et le reste sera déposé dans la caisse à trois clefs.
9. Tous les porteurs d'assignats les échangeront contre des mandats dans les trois mois de la présente.
10. Les coupures d'assignats de cinquante sous et au dessous seront échangées successivement contre la monnaie de cuivre, à fur et mesure de la fabrication , au dixième de leur valeur nominale.
11. Les assignats qui rentreront par l'échange contre des mandats, ou contre la monnaie de cuivre, seront biffés en présence de celui qui les remettra, pour ensuite être brûlés dans la forme ordinaire.
12. Les mandats qui rentreront par la vente des domaines nationaux, seront aussi biffés en présence du payeur, pour ensuite être brûlés.
13. Il sera annexé à la présente un tableau des domaines nationaux destinés au gage des mandats. . .
14. Il ne pourra, sous aucun prétexte, être créé de nouveaux mandats sur le même gage.
15. La vente des monnaies d'or et d'argent entre particuliers est prohibée; la commission est chargée de présenter un projet de loi d'exécution à ce sujet.
16. Il n'est pas dérogé, par la présente, à la loi du 19 de ce mois sur l'emprunt forcé ; il ne pourra être acquitté qu'en assignats à cent capitaux pour un, avec la progression déterminée par la même loi en cas de retard.
17. La commission présentera, sans délai, le mode d'exécution de la loi qui réserve un milliard aux défenseurs de la patrie.
18. Les résolutions prises par le conseil, les 20 et 21 de ce mois, sur les mandats et la vente des domaines nationaux , sont rapportées. .
19. Il sera rédigé une instruction pour l'exécution de la présente. (Suit l'état mentionné à l'article 13 de la présente loi.)
Références
Google : Recueil général des lois, décrets, ordonnances, etc: depuis le mois de Juin 1789 jusqu'au mois d'Août 1830… Page 431. Administration du Journal des notaires, 1839.
Google :Recueil général des lois, décrets, ordonnances, etc: depuis le mois de Juin 1789 jusqu'au mois d'Août 1830, Barrot. Bibliothèque municipale de Lyon (Bibliothèque jésuite des Fontaines)

Notes
1- La création des mandats territoriaux est une des grandes mesures financières de la révolution de 1789; elle eut pour but de substituer aux assignats, entièrement décrédités, une valeur nouvelle, spécialement représentée par celle des biens nationaux qui lui serrait de gage: mais les mandats ne purent échapper à une baisse rapide; et le gou7ernement lui-même accepta cette dépréciation comme un fait obligatoire, en publiant plusieurs lois pour régler le cours des mandats par rapport au numéraire.
Voyez la loi du 29 ventose an 4 (19 mars 1796), qui autorise la trésorerie à délivrer des promesses de mandats, en attendant la fabrication de ce papier-monnaie ; la loi du 15 germinal an 4 (4 avril 1796), qui détermine le mode de paiement des obligations, loyers, fermages, rentes et pensions en mandats; l'arrêté du 16 germinal même mois (5 avril 1796), contenant des mesures pour assurer le crédit et empêcher la falsification des mandats; la loi du 6 floréal même année (25 avril 1796), contenant une instruction pour l'émission, l'emploi et la circulation desdits mandats; celle du même jour, qui détermine leur type; celle du 7 floréal même mois (26 avril 1796), qui détermine leurs coupures et les mesures à prendre pour leur fabrication ; celle dn 4 prairial an 4 (23 mai 1796), concernant l'échange des assignats au dessus de cent livres contre les mandats ou promesses de mandats; et celle du 9 messidor suivant (27 juin 1795), qui proroge le délai pour cet échange: voyez encore la loi du 22 prairial même année (10 juin 1796), contenant des dispositions réglémentaires sur la mise en circulation des mandats; celle du 25 thermidor an 4 (12 août 1796), qui détermine les formalités pour la proclamation du cours des mandats; et celles des 10 fructidor an 4 (27 août 1796) et 14 frimaire an 5 (4 décembre 1796), qui déterminent le mode de fixation de ce cours; celle du xer frimaire an 5 (21 novembre 1796), qui autorise les acquéreurs de biens nationaux à se libérer en mandats au cours; et enfin celle du 16 pluviose an 5(4 février 1797), portant,art. 1", que les mandats n'ont plus cours forcé de monnaie entre particuliers, et contenant un tableau général du cours des mandats.
Voyez encore la loi du 23 floréal an 6 (12 mai 1798), portant réémission de mandats territoriaux, jusqu'à concurrence de vingt-cinq millions, pour le remboursement de la dette publique; l'arrêté du 25 du même mois (14 mai 1798), qui règle le mode de cette réémission ; et la loi du 21 fructidor an 6 (7 septembre 179S), qui autorise une nouvelle émission de mandats territoriaux pour le remboursement de la dette.
2- Les soumissions des domaines nationaux, faites eu vertu de la loi du 28 ventose an 4, ne conféraient pas immédiatement la propriété des biens soumissionnés; elles ue conféraient au soumissionnaire que le droit de requérir ta transmission de cette propriété, après l'accomplissement des formalités et des conditions établies par la loi; tellement que, au cas de survenance d'une loi ou d'un événement qui rendît cet accomplissement impossible, le Soumissionnaire se trouvait sans droit à la propriété. Arr. du cons., Ier avril 1824, Sir., XXIV, 2, ii5. — Jugé encore que celui qui, par suite de la loi du 28 ventose an 4, soumissionna des biens crus nationaux et fit des paiemens, reçus sous condition de dominité, n'acquît point vérilablement un droit sur les biens soumissionnés. Cass., 24 janvier 18i5, Sir., XV, t, 271. — Jugé atlssi qu'une soumission d'acquérir, faite en vertu de la loi du 28 ventose, est sans effet, quoique le soumissionnaire ait fait des paiemens et provoqué la passation du contrat de vente, encore même que la passation du contrat ait été ordonnée par le conseil de préfecture, si ultérieurement l'arrêté qui recoit la soumission n'a pas été approuvé par le ministre des finances, si l'objet soumissionné a été affecté à un.service public, et si, au total, le soumissionnaire n'en a pas été mis en jouissance. Arr. du cons., S février 18i9, Sir., Jur. du cous., V, 62. —Le soumissionnaire de domaines nationaux, en vertu de la loi du 28 ventose an 4, dont la soumission a été acceptée et exécutée par estimation contradictoire, qui a payé le prix de son acquisition et qui a oftfevii tin décompte qui le libère, doit être réputé acquéreur incommntable, bien qu'il ne lui ait pas été passé de contrat de vente, Arr. du cons-, 23 avril 1818, Sir., XVIII, 2, 206.
Le conseil d'état ne connaît pas en premier ressort de la validité des soumissions faites en vertu de la loi du 28 ventose an 4. Arr. du cons., 17 mars 1812, Sir., Jur. du cons., H, 29. — Jugé encore que, lorsqu'a près soumission d'acquérir nn bien national, aux termes de cette loi, il s'agit d'ordonner la passation du contrat au profil du soumissionnaire, la mesure est dans les altributious du préfet; mais que, s'il y a opposition et contestation de la part de l'ancien propriétaire, ou d'autres tiers, alors il s'élève une question préjudicielle qui appartient au contentieux administratif, réservé au conseil de préfecture. Arr. dn con&., 12 mai 1820, Sir., XXL. 2, 24.., i . i ,,1
Tous les paiemens faits par des acquéreurs de domaines nationaux dont les acquisîtfCrtis sonl antérieures à la loi du 28 ventose an 4, en assignats ou mandats , valeur nominale', tant que ces papiers-monnaie ont été en circulation, sont déclarés valables. Arrêté du 11 prairial an 10 î Voyez à sa date dans ce recueil.—Les acquéreurs de domaines nationaux qui ont soMé le prix de leurs acquisitions eu mandats, d'après l'échelle de réduction déterminée par la toi du :5 germinal an 4, sont valablement libérés. Arr. du cons-, 21 février 1821, Sir-, XXI, 2,99.

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